Située entre l’Amazonie et l’Atlantique, la ville portuaire du nord du Brésil était le point de rencontre entre les cultures amérindiennes, caribéennes et africaines, devenant ainsi le berceau d’un nombre immense de nouveaux styles de musique populaire.
Il aura fallu six ans au label Analog Africa pour élaborer leur 28e compilation, Jambú e os míticos sons da amazônia. Et pour cause l’histoire qu’elle tente de raconter, celle de la ville de Belém, de l’état du Pará, est d’une richesse et d’une complexité rare, même pour ces habitués du digging historique. C’est l’histoire d’un flot continu de rythmes, de sons, de langues et de la manière dont ils ont été mélangés et réappropriés pour créer une myriade de nouveaux genres musicaux qui viendront enrichir le panthéon de la musique populaire brésilienne : le carimbó, le samba-de-cacete, le siriá pour ne citer qu’eux.
Au carrefour entre les eaux des fleuves amazoniens et de ceux de l’océan, Bélem était le lieu de rencontre privilégié entre les cultures amérindiennes et les sons venus des Caraïbes, de Colombie, du Surinam, que les DJs locaux s’arrachaient pour pouvoir être les premiers à apporter les nouveaux hits venus de ces territoires. Les rythmes et religions africaines, telles que l’umbanda et le candomblé, apportés par les esclaves notamment du Bénin, occupent également une place majeure dans l’identité musicale du Pará, étant à l’origine de styles musicaux tels que le lundun, le banguê et le carimbó qui seront popularisés par la suite par des références comme Orlando Pereira, Mestre Cupijó et Pinduca.
Enfin, pour comprendre l’histoire du brassage musical du Pará et son influence sur la musique populaire brésilienne, il faut aussi s’intéresser à la diffusion de cette musique. La culture des sound systems – « aparelhagem sonora » – a joué un rôle important dans la popularisation des nouveaux genres musicaux issus de ces mélanges d’influence. Au départ de simples gramophones attachés aux arbres ou poteaux électriques, ils occupaient une place centrale dans les rassemblements sociaux, se complexifiant au fur et à mesure jusqu’à devenir de véritables murs de sons qui rempliraient clubs et autres parkings transformés en pistes de danse.
De cette effervescence musicale sont nés des radios et labels, tels que Rauland Belém Som Ltd fondé en 1970, qui cherchaient à diffuser au-delà des frontières de la ville les nouveaux genres qui y voyaient le jour. La structuration d’une industrie musicale autour de ce phénomène et la popularité des boîtes de nuit locales ont permis aux artistes des alentours de devenir de véritables stars, et de marquer laisser leur marque dans la grande histoire de la musique populaire brésilienne.
À l’instar de la plante amazonienne qui lui donne son nom, la compilation Jambú est un voyage euphorisant au cœur de la culture brésilienne et de ses mélanges qui vous laisse un arrière-goût persistant. Et se mélange très bien avec la cachaça.
Jambú e os míticos sons da amazônia d’Analog Africa, sortie le 21 juin. Commandez-la compilation sur Bandcamp.